L'Instituteur et le Sorbonagre by Alain

L'Instituteur et le Sorbonagre by Alain

Auteur:Alain [Alain]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Mille et une nuits
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


PN 1343, 19 novembre 1909.

Concurrence et enseignement

On dit souvent que la concurrence est utile à l’enseignement parce qu’elle réveille le zèle des professeurs, et excite aussi les élèves. Cela est tout à fait inexact. La concurrence est très mauvaise pour l’enseignement.

Il fut un temps où un examinateur de l’École polytechnique pouvait demander à un candidat : « Parlez-moi de ce que vous avez particulièrement étudié. » Le candidat, qui fit honneur depuis à l’École, avait étudié le calendrier, ce qui enferme l’astronomie, le calcul, une foule de notions ; il fut examiné là-dessus. Par ce moyen, on arriverait à choisir les meilleurs, et nous y gagnerions tous. Pourtant, ce procédé, s’il était employé maintenant, soulèverait mille réclamations. On exige un programme commun à tous, et des questions tirées au sort ; on introduit la loterie dans l’examen. Pourquoi ? Parce qu’il y a des « boîtes » où l’on entraîne les candidats comme on entraîne les chevaux en vue d’une course. Plus les conditions de l’examen sont explicites, plus les programmes sont étendus et compliqués, plus ces préparateurs triomphent ; car ils bourrent, ils bourrent les esprits, se fiant à la mémoire des jeunes gens, et se moquant de ce qu’ils donneront à trente ans. Sous la pression de ces marchands de succès, l’État organise l’examen-loterie.

Mais, bien mieux, par contagion, les lycées sont infectés du même mal, jusqu’à lutter les uns contre les autres, comme si les proviseurs étaient patrons, et non pas contremaîtres à notre service. Aussi partout c’est la course au succès, sans réflexion, sans méditation. Les résultats, nous les connaissons ; ce sont ces merveilleux bureaucrates diplômés qui dirigent nos grands services, finances, télégraphes, téléphones, constructions navales, ponts et chaussées, et qui dorment sur leurs rond-de-cuir, semblables à ces glorieux chevaux, débris des champs de courses, qui ont passé les premiers au poteau, mais qui ont un tendon claqué.

Pour le baccalauréat, c’est la même chose, on devrait recevoir les meilleurs élèves d’après leurs notes. On ne le peut pas, parce que les « boîtes » crieraient, et voudraient aussi qu’on tînt compte de leurs notes, ce qui, vous le devinez bien, est impossible. De là ces examens publics à grande vitesse, qui effacent les différences et favorisent les médiocres. De là aussi ces stupides programmes, qu’aucun professeur ne pourrait, après vingt ans de travail, connaître à lui tout seul convenablement, et sur lesquels un enfant de dix-sept ans doit répondre au galop. Tout cela va contre la vraie culture, et contre les vrais droits de l’enfant. C’est par là que l’enseignement libre est nuisible, et non par la théologie.



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